Essai d’un journal – 18 février 2024

Avec les douleurs
Tout est disloqué
Tout est devenu intermittent
Cette maladie qui ne peut pas être un combat :
Il n’y a rien à combattre. Ni à guérir.
Ce n’est pas un cancer, ni une maladie auto-immune.
Elle va et vient à sa guise.
Laisse la personne avancer gaiement pour d’un coup la terrasser. Jour après jour. Aucun chemin continu n’est possible. Il n’y a pas un chemin de guérison à suivre. Nuls rituel exercice planning qui puissent tenir. Tout est pendu à un clou. Tout est au-dessous d’une épée de Damoclès.
Enfant la vision des traits blancs discontinus sur la route me berçait doucement.
Quand on accélérait ces traits semblaient se rejoindre. Ici c’est pareil: parfois on appuie sur l’accélérateur parce qu’on veut par la vitesse oublier la douleur. Faire les choses très très vite comme une course avant de devoir ralentir sous peine de l’accident assuré.
La douleur articulaire musculaire neurologique est les traits blancs discontinus qui nous rappellent que si l’on peut (se) dépasser, ce n’est pas toujours opportun de le faire.
Tout est discontinu à présent. Le sommeil comme le travail au piano. L’écriture comme les sorties. La composition comme le quotidien. Mes carnets eux-mêmes qui se mélangent entre journal, textes, poésie, pensées. Mes mots sont éclatés entre différents supports. Mes mots eux-mêmes ne savent plus très bien où ils doivent aller. Dans quel support. Dans quel genre.
Rien n’est planifiable parce qu’à tout moment un état fébrile , douloureux , ou de fatigue, peut vous mettre à néant. Cette perte de continuité – l’absence d’ennemi – l‘impermanence de son état – tout cela crée un désordre dont l’esthétique ne m’apparaît pas encore totalement.
Peut-être faudrait-il que je colle tous ces bouts sans vouloir absolument faire œuvre cohérente et homogène. Peut-être y a-t-il dans cet éclatement de mon identité – ou ce que j’en concevais – quelque chose qui disons voudrait s’approcher d’une vérité – laquelle ? – tout est éclaté- la vie , les relations, l’avenir – comme une péritonite de soi – quelque chose a fui, quelque chose a éclaté – pourquoi ? Ce n’est pas la question à se poser – pourquoi rencontre-t-on l’amour pourquoi pas – pourquoi réussissons-nous pourquoi pas – tant de questions qui virent à l’idiotie. Non le constat est là. Tout est éclaté et il ne s’agit pas de faire semblant même si on fait semblant parce que la peur dans les yeux des gens est difficile. Tout a éclaté, on ne sait trop comment , peut-être a-t-on trop ralenti et les traits blancs discontinus – du désir, de la vocation, des amours, des relations, de la vie – sont réapparus.
Il s’agit de tout laisser en place , de ne pas vouloir recoller les morceaux , de “faire avec” avec quelque chose qu’on ne peut pas nommer , quelque chose comme des déflagrations irrégulières et quotidiennes – il s’agit de regarder l’horizon – de tenter de le voir dans cet éclatement – un beau coucher de soleil strié de couleurs de sang.

Essai d’un journal – 18 février 2024 – Céline Lory.

Auteur : celinelory

Pianiste le jour, auteure de chansons et de textes la nuit, toujours indéfinie mais heureuse

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