Aujourd’hui j’ai ouvert mon carnet et il était rempli. Alors je suis descendue chercher un autre carnet et ils étaient tous remplis. Je vieillis.
Tous ces carnets remplis donnaient un peu le vertige, un peu la nausée et également un sentiment d’incrédulité. C’était donc là, ma vie. Faite de rien. Des carnets collés les uns aux autres. Des journées. Rien de plus. Il va falloir crier fort. Il va falloir crier très fort. Très fort contre personne.
Faut crier fort.
Devant le temps qui passe.
Faut crier fort.
Devant ce qui blesse, au fil des jours.
Faut crier fort.
Faut crier fort – sa vie, son être, sa révolte.
Mettre les mots contre personne.
Faut crier fort.
Le monde a perdu son ouïe.
Faut crier fort
Contre personne
Faut crier fort
Pour pouvoir continuer à te chuchoter à l’oreille,
À t’aimer en silence,
À t’aimer en solitaire,
Le monde en désert
Et l’incompréhension en clou de la soirée
Faut crier fort
Les oiseaux et les injustices
Même si les uns s’éloignent au fur et à mesure que les autres grandissent
Faut crier fort
Pour retrouver le goût des mots
Pour sentir leurs piments
Faut crier fort
Dans l’oreille de l’indifférence
Faut crier fort
Aux yeux de tou.te.s
Et contre personne
Les carnets se remplissent
Les jours passent
Faut crier fort
Pour réveiller nos épidermes
Et caresser nos désirs
Faut crier fort
Pour aimer les mauvais amours
Et ceux qui nous oublient
Faut crier fort
Dans son lit, matin midi et soir
Comme une prière d’insurgées
Faut crier fort
En nos corps
En silence
Jusqu’à faire éclater les tympans
De ceux qui se croient forts
De ceux que l’on aime par amour
Et de ceux que l’on n’aime pas par amour aussi
Faut crier fort
Pour que l’homme ne se croie plus homme
Pour que le puissant ne se croie plus puissant
Pour que le soignant ne se croie plus soignant
Pour que le dirigeant ne se croie plus dirigeant
Pour que l’artiste ne se croie plus artiste
Faut crier fort
Pour que la vie revienne
Pour que plus rien ne soit vrai
Et que d’un cri
La vie jaillisse.
Écriture automatique – Céline Lory – 9 septembre 2020